Mon dernier souffle...
Une tranche de vie imaginée à partir d’histoires bien vécues…
C’est l’été, et pourtant, je me sens un peu glacé. Par la mince ouverture de mes yeux mi-clos, j’entrevois des personnes chères, plus nombreuses qu’aux jours précédents. Entré à l’hôpital il y a deux semaines, en pleine crise respiratoire, je pense bien en ressortir dans un tout autre état.
Quand on a diagnostiqué un cancer du poumon assez avancé, fort de l’accord de mes proches, j’ai pris la décision de refuser les traitements de chimio. Avec des chances de survie, évaluées à environ 20% ou moins, il était clair pour moi de me dispenser des effets secondaires qui prolongent pour un certain temps. Bien soutenu par les antidouleurs, ces moment-là m’ont permis de partager avec nombre de gens, en toute lucidité, sur les événements présents et à venir. Une complicité de cette nature a avantage à avoir été préparée longtemps d’avance.
Sur l’heure, je suis entouré de ma conjointe qui me tient affectueusement la main. Combien je suis reconnaissant pour toutes ces années passées ensemble. Je me permets de soupirer un merci très sincère. Enfants et petits-enfants, malgré des yeux tout mouillés, ont un regard plein de tendresse et d’amour. Je suis comblé.
Derrière mes tentures presque closes, n’ayant pas la force de parler, défile comme en cinémascope le film de ma vie. Jeunesse en pleine nature, études, puis retour à la terre, ressourcements et engagements comblent ma vie jusque dans la retraite. Avec un sentiment de devoir accompli, malgré limites et faiblesses, je m’en remets à la miséricorde de mon Dieu qui se prépare à m’accueillir les bras grands ouverts tel un père ou une mère.
Bien traité à l’unité des soins palliatifs, je suis en confiance. Une forte quinte de toux me secoue, presqu’au même moment une petite abeille vient piquer mon petit papillon. À cet instant, je pourrais entendre des petites phrases comme : « Reste avec nous encore un peu » ou « Vas vers la lumière ». Qui peut souffler ces paroles un peu aliénantes pour la liberté de tout enfant de Dieu? Pourtant reconnaissant pour cette belle liberté, je m’endors en paix définitivement.
Fraternellement vôtre
Marcel Delage, retraité


